Requin-taupe bleu : le Canada soumet une proposition pour sauver l’espèce en danger d’extinction
Des ONG invitent les États-Unis et l’Union européenne à se rallier à une proposition de limites de captures internationales fondées sur la science
Halifax, Nouvelle-Écosse, 16 octobre 2020. Les requins-taupes bleus de l’Atlantique, en danger d’extinction, figureront au cœur des délibérations que tiendra la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) en 2020. Dans ce contexte, le Canada propose aujourd’hui des limites de captures fondées sur la science qui incluent une interdiction totale de la rétention à bord de ce requin gravement surexploité, afin d’en protéger la population de l’Atlantique nord. Les négociations s’ouvrent la semaine prochaine alors que la gestion des requins-taupes bleus a pris du retard en raison de la crise sanitaire de la COVID-19, que les navires européens continuent de surpêcher l’espèce et que les États-Unis et l’Union européenne ont présenté des contre-propositions particulièrement complaisantes et complexes.
Nous félicitons les autorités canadiennes qui mènent sans relâche la lutte pour protéger un des requins les plus vulnérables et les plus menacés de l’Atlantique, le requin-taupe bleu,
déclare Shannon Arnold, coordinatrice du programme marin de l’Ecology Action Centre.
Nous appelons maintenant les Parties à la CICTA de l’autre côté de l’Atlantique à apporter leur soutien à cette proposition intelligente et des plus nécessaires, et à se concentrer sur son adoption dans les semaines à venir. Cette mesure permettra d’enfin engager les populations menacées de requins-taupes bleus sur la voie de la durabilité et elle pourra servir de référence dans le monde entier.
Les requins-taupes bleus sont des requins particulièrement intéressants sur le plan économique, et ils sont ciblés pour leur chair, leurs nageoires et dans le cadre de la pêche sportive. Leur croissance lente les rend particulièrement vulnérables en cas de surpêche. Les requins-taupes bleus sont capturés par les flottes de nombreux pays dans le monde ; ils ne font pourtant l’objet d’aucun quota de pêche international. Les scientifiques de la CICTA signalent d’importants déclins des requins-taupes bleus de l’Atlantique nord et, en association avec d’autres mesures, recommandent une interdiction de leur rétention depuis 2017. La pandémie de COVID-19 a repoussé l’adoption de mesures de gestion du requin-taupe bleu, mais n’a pas mis un frein à la surpêche de celui-ci. À eux seuls, les navires de l’UE ont effectué des débarquements trois fois supérieurs aux niveaux qui permettraient la reconstitution de la population. Or, celle-ci devrait prendre une cinquantaine d’années, même si la pêche des requins-taupes bleus s’arrêtait dès maintenant.
Lors de la réunion de 2019 de la CICTA, le Sénégal et 14 autres pays se sont associés au Canada pour exiger l’adoption internationale des recommandations scientifiques pour les requins-taupes bleus. Les contre-propositions avancées par les États-Unis et l’Union européenne (très éloignées des recommandations scientifiques) ont empêché tout consensus.
L’attitude de l’Union européenne et des États-Unis ne cessent de nous inquiéter. Alors qu’ils défendaient auparavant la conservation des requins, ce sont eux qui font aujourd’hui principalement obstacle à la résolution de la surpêche des requins, pourtant parmi les crises les plus simples et les plus faciles à régler,
explique Ali Hood, directrice de la conservation pour le Shark Trust.
Il est urgent de prendre des mesures concertées de part et d’autre de l’Atlantique afin d’éviter l’effondrement de cette espèce grande migratrice. Mais les États-Unis et l’Union européenne ont préféré les intérêts économiques à court terme de quelques-uns à ceux d’un éventail bien plus large d’acteurs qui dépendent du bon état de l’écosystème marin sur le long terme. Les États-Unis insistent sur l’adoption d’exceptions, y compris en ce qui concerne l’abattage délibéré d’individus de cette espèce en danger, tandis que l’Union européenne cherche encore à faire autoriser la poursuite de ses débarquements non durables et sans équivalents. Ils peuvent et devraient au contraire minimiser toute future perturbation écologique et économique en changeant de cap et en suivant l’exemple du Canada, afin de protéger ces populations partagées par la communauté internationale avant qu’il ne soit trop tard.
Les préoccupations quant à l’épuisement mondial des requins-taupes bleus se sont traduites en 2019 par l’inscription de l’espèce à l’Annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), une mesure proposée par 27 États ainsi que l’UE. Les Parties à la CITES — qui incluent toutes les Parties à la CICTA — devront veiller à ce que leurs exportations de requins-taupes bleus proviennent de pêcheries durables et légales.
Contacts presse : Shannon Arnold, e-mail : [email protected], +19023294668 ;
Patricia Roy : [email protected], +34 696 905 907.
Notes aux responsables de publications : Ecology Action Centre agit pour la durabilité des moyens de subsistance qui dépendent de l’océan et en faveur de la conservation marine au Canada et dans le monde. The Shark Trust est une association britannique dont la mission est de protéger l’avenir des requins grâce à des changements positifs. Shark Advocates International est un projet de The Ocean Foundation consacré à la mise en place de politiques fondées sur la science pour les requins et les raies. Project AWARE est un mouvement mondial de protection de l’océan animé par une communauté d’aventuriers. Ces organisations, avec le soutien du Shark Conservation Fund, ont créé la Shark League pour promouvoir des politiques régionales responsables en matière de conservation des raies et des requins.
La proposition canadienne pour les requins-taupes bleus inclut des limites de captures fondées sur la science pour les populations de requins-taupes bleus de l’Atlantique nord et sud. La proposition des États-Unis ne couvre que l’Atlantique nord et autorise une interdiction de la rétention à bord assortie d’exceptions qui ne tiennent pas compte des recommandations scientifiques.
En raison de la crise de la COVID-19, les négociations de la CICTA se limiteront en 2020 à quelques questions prioritaires (dont la restriction de la pêche des requins-taupes bleus) et se dérouleront en ligne. Les Parties exprimeront leurs points de vue et tenteront de réunir un consensus par des échanges d’e-mails que coordonneront les présidents des comités et le Secrétariat de la CICTA.
Le requin-taupe bleu est classé en danger d’extinction sur la Liste rouge de l’UICN.
La CICTA est chargée de la conservation des thons et des espèces apparentées dans l’océan Atlantique et les eaux adjacentes. Elle compte 53 Parties contractantes. En 2019, les scientifiques de la CICTA ont mis à jour le statut des requins-taupes bleus de l’Atlantique et estimé qu’une réduction des captures annuelles (comprenant les rejets de requins morts) à environ 300 tonnes donnerait à cette population à croissance lente 60 % de chances de reconstitution en l’espace de 50 ans.
Les interdictions de rétention à bord peuvent contribuer efficacement à réduire la mortalité des requins-taupes bleus, car les chances de survie après rejet peuvent monter jusqu’à 77 %.
La proposition soumise en 2019 par le Canada et le Sénégal à la CICTA pour des limites de captures des requins-taupes bleus fondées sur la science a été soutenue par la Gambie, le Gabon, le Panama, le Liberia, le Guatemala, l’Angola, le Salvador, l’Égypte, la Norvège, la Guinée-Bissau, l’Uruguay, le Japon, la Chine et Taïwan.
Les requins-taupes bleus constituent le plus vulnérable des 20 stocks de requins pélagiques dans les pêcheries de la CICTA si l’on se base sur la distance euclidienne. Au total, ils représentent le troisième stock le plus vulnérable selon une évaluation des risques écologiques des requins réalisée par les scientifiques de la CICTA en 2012.
Les pays déclarant des captures de requins-taupes bleus (Isurus oxyrinchus) dans l’Atlantique nord en 2019 sont (par ordre d’importance) : l’UE (Espagne et Portugal), le Maroc, le Canada, les États-Unis, le Sénégal, le Venezuela, le Japon, la Corée, le Belize, le Mexique, la Mauritanie et Trinité-et-Tobago. Les navires de pêche de l’UE ont effectué 64 % des captures de requins-taupes bleus de l’Atlantique nord au cours de l’année 2019.
Les organisations de défense de l’environnement ont comparé la rhétorique à la réalité en matière de conservation mondiale des requins et ont recommandé des améliorations.